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Par Martin Cleary
Ils étaient jeunes. Ils étaient des partenaires de course à pied. Ils possédaient de vastes connaissances médicales. Ils étaient aux portes de la gloire dans une ville qui a un grand engouement pour la course à pied et l’activité physique, mais ils étaient loin de se douter de ce qui les attendait.
Ils allaient devenir des pionniers, s’épanouir dans un emploi de rêve et des milliers d’athlètes – récréatifs, amateurs et professionnels – leur devraient une fière chandelle pour leur avoir permis de prolonger leur carrière.
Ils étaient sur le point d’entrer dans un nouveau domaine de la médecine et il n’y avait pas de manuel pour les guider. Mais ils l’ont compris au fil du temps, et l’institution qu’ils ont créée est sur le point de célébrer son 50e anniversaire.
Il s’agit du Dr Don Johnson et du physiothérapeute Phil Ashcroft, qui ont créé la Clinique de médecine sportive de l’Université Carleton en 1972 et qui ont donné aux athlètes blessés d’Ottawa une bouée de sauvetage vitale.
Et pour les milliers d’athlètes qu’ils ont remis sur pied et qu’ils ont ramenés à l’action grâce à des séances de chirurgie ou de physiothérapie, le Temple de la renommée du sport d’Ottawa les intronisera dans sa maison du patrimoine sportif.
Phil Ashcroft sera intronisé à titre posthume, car il est décédé il y a trois ans.
La naissance de la médecine du sport au Canada
Lorsque l’Université Carleton a achevé la construction de son nouveau complexe sportif récréatif en 1972, le pavillon adjacent est devenu inoccupé. Mais le directeur sportif Keith Harris et le directeur adjoint et entraîneur en chef de football Kim McCuaig ont eu une idée, qu’ils ont présentée à Don Johnson, un jeune chirurgien orthopédiste.
La médecine sportive faisait son entrée au Canada et Keith Harris et Kim McCuaig souhaitaient que Carleton soit à la fine pointe dans ce domaine. Le Dr Don Johnson, un chirurgien du Centre médical de la Défense nationale (CMDN) qui connaissait bien la reconstruction du dos et des hanches, n’avait jamais entendu parler de médecine sportive, mais a été invité à créer une clinique dans l’ancien pavillon.
« J’avais l’habitude de courir avec Phil au CMDN et je lui ai demandé s’il souhaitait s’adonner à la médecine sportive », raconte Don Johnson, qui était médecin d’équipe et secouriste des équipes de football et de hockey de l’Université Carleton. De 1974 à 1995, il a également assumé des rôles semblables au sein des équipes olympiques canadiennes de 1976, de l’équipe nationale d’athlétisme, ainsi que des Rough Riders, des Sénateurs et des Sooners d’Ottawa.
Phil Ashcroft, qui était un joueur de football actif désireux de traiter les athlètes blessés grâce ses compétences en physiothérapie, a immédiatement adhéré à cette idée.
« Phil a géré la clinique pendant les premières années », a ajouté Don Johnson, qui était sur le point de pouvoir proposer aux patients la chirurgie arthroscopique miniinvasive du genou, qui allait s’avérer révolutionnaire.
« Il savait comment s’occuper des blessures aux tissus mous, des douleurs aux genoux et aux hanches. Tout s’est assemblé. C’est grâce au bagage de connaissances de Phil sur les lésions des tissus mous que nous avons pu développer la clinique. »
En soignant la blessure d’un des joueurs de football de l’Université Carleton, Don Johnson lui a demandé son avis à l’idée de transformer l’ancien pavillon en clinique de médecine sportive. C’était la question idéale à poser à un étudiant de quatrième année en architecture, en particulier un dénommé Barry Hobin, qui est devenu un professionnel primé et très reconnu dans son domaine à Ottawa au cours des 40 dernières années.
La clinique était un guichet unique pour les athlètes blessés. Chaque athlète était évalué, passait des radiographies au besoin, puis recevait un traitement et des rendezvous de suivi. Lorsque la clinique s’est mise à fonctionner à plein régime, Don Johnson, maintenant âgé de 77 ans, offrait des solutions chirurgicales à l’Hôpital d’Ottawa pour les patients présentant des déchirures du ménisque ou des ruptures du ligament croisé antérieur (LCA).
À la fine pointe de la chirurgie orthopédique
Don Johnson a obtenu son diplôme de l’école de médecine de l’Université Queen’s en 1966 à l’âge de 24 ans. Mais ce n’est qu’après ses 6 années de formation générale et spécialisée qu’il a découvert la chirurgie orthopédique. Il excellait, et c’est devenu son point fort.
« Je voulais faire quelque chose d’autre que de prescrire des comprimés », a dit Don Johnson, qui a appris l’arthroscopie du Dr Bob Jackson en 1972 et a effectué son premier retrait partiel d’une déchirure du ménisque en 1978.
Audacieux, Don Johnson était à la pointe de la chirurgie du genou et il allait devenir un spécialiste de la chirurgie de reconstruction du ligament croisé antérieur. L’Hôpital d’Ottawa était sa deuxième demeure, puisqu’il y a effectué plus de 12 000 chirurgies du LCA au cours de sa carrière, donnant ainsi à ses patients un second souffle pour une meilleure qualité de vie.
La clinique n’était pas réservée qu’aux athlètes d’élite ou aux étudiants de l’Université Carleton.
« En vérité, nous souhaitions en faire un établissement communautaire », a affirmé Don Johnson, qui a pris sa retraite en tant que chirurgien orthopédiste en 2013, après 41 ans de service à la clinique.
Dans les premières années, la clinique de 900 pieds carrés accueillait jusqu’à 125 patients par jour. Le Dr Jim Howe, qui était en lien avec la communauté des coureurs, et le physiothérapeute Michael Rogers faisaient partie de la liste des employés. Aujourd’hui, la clinique est située dans le complexe Ice House de l’université et compte 36 employés, dont 8 médecins du sport, 6 chirurgiens orthopédistes et 10 physiothérapeutes.
« À ses débuts, la clinique était un concept ouvert. Il n’y avait aucune cachoterie. Tout le monde jasait. De nos jours, c’est différent, les gens sont sur leur téléphone et plus personne ne discute. », dit Michael Rogers, qui, avec Terry Paul, a acheté la clinique de Phil Ashcroft en 1990 et l’a vendue en 2010 à un groupe de deux médecins et trois physiothérapeutes. Michael Rogers a fait ses débuts à la clinique comme physiothérapeute en 1975 et continue d’y prodiguer à temps partiel des thérapies par ondes de choc radiales.
Lorsque le mouvement ParticipACTION était en plein essor, combiné au début de la vague de popularité de la course, la clinique est devenue une partie essentielle de la vie des athlètes d’Ottawa. Les médecins et les physiothérapeutes pratiquaient euxmêmes des sports et pouvaient comprendre et aider leurs patients blessés.
« C’était bon et très positif », a ajouté Michael Rogers à propos de la clinique. « Notre spécialité était la médecine du sport, et ce, autant pour les meilleurs athlètes que pour les sportifs amateurs. La croissance a été fulgurante. C’est une bonne ambiance et beaucoup de plaisir. »
« Je suis certaine qu’au cours des 20 premières années (de la clinique), il n’y a pas un seul coureur qui n’ait pas fréquenté la clinique (pour un traitement) », a déclaré Eleanor Thomas, la championne des 2 premiers marathons d’Ottawa, en 1975 et 1976.
Michael Rogers a entendu parler de la clinique pour la première fois lorsqu’il a assisté à une réunion de l’Association canadienne des thérapeutes du sport, alors que Don Johnson et Phil Ashcroft y faisaient une présentation en 1974. Il était passionné par leur discours, et il pressentait avoir découvert le lieu idéal pour ses champs d’intérêt professionnels.
« À l’époque, c’était un endroit où aller pour rencontrer des professionnels possédant de solides connaissances. C’était un boum pour la ville. L’Université Carleton était reconnue pour sa clinique sportive, mais celleci était séparée de l’université », a déclaré Michael Rogers.
« La clinique était tellement occupée. Si vous vous rendiez à l’hôpital, vous alliez être pris en charge à l’urgence, mais les blessures aux ligaments, aux genoux et aux chevilles étaient de faible priorité. Vous n’alliez pas obtenir les soins dont vous aviez besoin. La clinique de l’Université Carleton est apparue au bon moment. »
Intégrée à la communauté sportive d’Ottawa
En plus de se vouer à la clinique, le déterminé Don Johnson et l’affable Phil Ashcroft étaient d’excellents athlètes à part entière.
Ils étaient d’ardents marathoniens et avaient couru le premier marathon d’Ottawa en 1975, dont le départ et l’arrivée étaient sur les terrains de l’Université Carleton. Don Johnson est arrivé en 19e place parmi les 146 participants, terminant sa course en 2 heures, 56 minutes, tandis que Phil Ashcroft a franchi la ligne d’arrivée quelques minutes plus tard.
Don Johnson n’avait peur de rien lorsqu’il s’agissait d’aventures sportives de longue distance, qu’il s’agisse de course à pied, de vélo, de ski de fond, de triathlon, de randonnée ou de canoë. Il a couru environ 75 marathons, en des temps qui se situent tous entre 2 heures, 50 minutes et 3 heures, 5 minutes, y compris 19 marathons de Boston. Il a également participé à de nombreuses courses de 5 et de 10 kilomètres et, même aujourd’hui, ce septuagénaire s’entraîne religieusement pour cette course de moindre distance.
Celui qui entreprend la lecture du curriculum vitæ sportif de Don Johnson risque de s’essouffler. À titre de cycliste, il a effectué 25 fois le Rideau Lakes Cycle Tour (circuit allerretour entre Ottawa et Kingston, sur une période de 2 jours) et a participé à plus de 20 marathons GranFondo (160 kilomètres chacun).
En hiver, il a accompli 20 fois le Marathon canadien de ski (MCS) de 160 kilomètres, qui se déroule sur 2 jours et pour lequel il a reçu le dossard no 1. Il a également participé aux courses de la Worldloppet à Gatineau et en Norvège.
À ses activités estivales s’ajoutent la compétition à plus de 30 triathlons, dont l’Ironman d’Hawaï de 1982 et l’épreuve Escape from Alcatraz; l’ascension jusqu’au camp 3 du Mont Everest (23 000 pieds d’altitude), des randonnées dans les sentiers des Rocheuses canadiennes, du Colorado, de l’Idaho, du Mexique et du Brésil; la participation à 15 courses de canoë Jock River, à 10 triathlons de canoë Colonel By et à la course de canoë Courier de Bois de 160 kilomètres.
Phil Ashcroft, qui est né à Bolton, en Angleterre, a accompli 45 marathons dans sa carrière et l’un de ses moments forts a été de briser la barrière des 3 heures. Le premier Marathon d’Ottawa lui a semblé être une longue randonnée solitaire, car il y avait peu de coureurs et peu de spectateurs.
L’une des deux filles de Phil Ashcroft, Lynn Douglas, a souvent roulé à vélo à côté de son père dans le marathon pour lui offrir un Cocacola.
« Cela ne lui donnait pas de gaz, seulement le sucre dont il avait besoin pour se rendre jusqu’au bout », atelle dit.
Phil Ashcroft rêvait d’être un joueur de soccer professionnel, mais sa mère lui a fait oublier cette idée. Au lieu d’une carrière sportive professionnelle, il a trouvé son véritable bonheur à pratiquer la physiothérapie en Angleterre et au Canada. L’une de ses tâches prestigieuses a été d’agir comme physiothérapeute lorsque la célèbre équipe de rugby néozélandaise All Blacks a visité l’Angleterre.
« Il est devenu physiothérapeute parce qu’il pouvait remettre les gens blessés sur pied et les aider à reprendre une vie normale. C’était important pour lui », dit Lynn Douglas.
« L’une des choses dont il était conscient était que les athlètes ne souhaitaient pas abandonner leur entraînement ni leur sport. Phil Ashcroft et Don Johnson tentaient de leur permettre de récupérer rapidement et de maintenir leur niveau de condition physique. »
Après avoir vendu la clinique de médecine sportive de l’Université Carleton (Carleton Sports Medicine Clinic), Ashcroft et son épouse, Irene, ont déménagé à Fredericton, au NouveauBrunswick, pour se rapprocher de leur famille. Phil Ashcroft a alors commencé à jouer au golf et est devenu un joueur remarquable, d’ailleurs il a obtenu un score égal à son âge à 79 ans.
Don Johnson, qui a reçu un prix d’excellence pour l’ensemble de sa carrière de la part de la Canadian Association of Sports Medecine, et Ashcroft n’auraient pas pu demander une vie professionnelle plus comblée. Comme le dirait Don Johnson : « Médecin du sport : le meilleur métier du monde. »
« J’avais entendu des rumeurs, mais je ne pensais jamais que ça arriverait. C’est un grand honneur, surtout en voyant les camarades qui sont passés devant moi. J’ai été président de l’association d’arthroscopie d’Amérique du Nord (AANA), mais cette mention vient surpasser cela. Je suis très heureux et honoré de faire partie de ce groupe. » — Dr Don Johnson
« Il aurait été ravi et si honoré. Il aimait les gens et la clinique était toute sa vie. Il adorait être physiothérapeute. » — Lynn Douglas, fille de Phil Ashcroft


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